La RDC organisait la première édition du Championnat interscolaire panafricain pour les jeunes de moins de 16 ans fin février. En finale de la version masculine, les Congolais ont dominé les jeunes sénégalais (3-1). Très vite, les images des « jeunes » congolais ont inondé la toile, son capitaine étant pris comme l’illustration d’une évidente fraude sur l’âge de ses joueurs. FootRDC a mené une enquête collaborative.
La première édition du Championnat Panafricain Interscolaire, qui s’est déroulé entre le 19 et 20 février à Kinshasa, accueillait le Sénégal (zone Ouest B), le Bénin (Ouest A), le Maroc (Nord), l’Afrique du Sud (Sud) et l’Éthiopie (Est). Dans l’organisation congolaise, plusieurs points ont connu des approximations de gestion sur lesquelles les dirigeants ont fermé les yeux.
Le règlement
L’un des sujets de discorde dans les médias tenait au fait que le règlement de la compétition n’avait pas été rendu officielle par l’organisateur. Certains journalistes congolais affirmaient que la compétition concernait uniquement les écoliers, à partir d’un moment où leur scolarité était certifié, ils avaient le droit de prendre part à la compétition.
L’annonce du tournoi par la Confédération Africaine de Football, le 10 avril 2021, n’aidait pas à éclaircir la question. Sur son site internet, la CAF annonçait juste « le lancement d’un projet pilote de compétition interscolaire en Afrique. » Elle ajoutait que « ce projet, ainsi que le cadre posé pour sa mise en œuvre, se veut un catalyseur de valeurs positives et d’espoir pour la jeunesse », sans jamais aborder la question de préciser le règlement.
Pour y voir « clair », nous avons remonté le fil des articles de la FIFA sur son site internet depuis près d’un an. D’après une publication du 16 avril 2021, l’instance mondiale soulignait que « le Championnat mettra aux prises des équipes scolaires de filles et de garçons de moins de 16 ans », et que la compétition se jouerait au stade des Martyrs. Plus de doute.
« L’approbation » de la direction technique nationale
La délégation congolaise a respecté l’une des règles principales de la compétition. L’équipe nationale, version féminine et masculine, était bien composée des joueurs scolarisés dans différentes provinces. Cependant, ils n’avaient pas tous moins de 16 ans. Quelques jours avant la compétition au stade des Martyrs, des provinces sélectionnées ont envoyé leurs équipes pour participer au championnat national à l’issue duquel les joueurs devaient être choisis. Et c’est là, d’après nos investigations, que la gestion s’est avérée limite.
À Kinshasa, les écoles des provinces ont présenté des joueurs d’après les critères communiqués par la Direction technique nationale (DTN) et son partenaire, la Ligue nationale de football des jeunes (LINAFJ). « Quand les équipes sont arrivées à Kinshasa, Linafj a contrôlé au Centre technique. Nous avons exigé que l’identité de chaque élève soit confirmée et qu’une certification du statut d’élève soit présentée », nous a confié un des responsables de la Linafj.
« Chaque école a déclaré que ses joueurs étaient éligibles en ayant moins de 16 ans. Au niveau de la Linafj ou de la DTN les équipes ont présenté des documents de leurs élèves. »
Pourtant, Médard Ludadisu Basilua de Directeur technique National a.i., et Joseph Mukeba Mulamba, Directeur technique National Adjoint en charge de la formation, ont constaté la fraude pour certains élèves présentés pour intégrer la sélection de la RDC pour le championnat panafricain. « La direction technique n’avait plus rien à faire en ayant ces justificatifs, c’était difficile », justifie-t-on. « Certains joueurs n’étaient pas des élèves, » lors de la sélection en provinces.
Un des membres d’une délégation de la province du Haut-Katanga raconte que des plaintes ont été formulées contre les élèves au-dessus de l’âge. « On a trouvé des garçons qui jouent dans des championnats provinciaux, mais qui étaient choisis dans l’équipe. J’étais surpris. » Un technicien experimenté affirmait que la seule « morphologie » écartait certains joueurs qui ont été pourtant retenus.
L’opaque gestion de fonds
« L’argent que l’on a envoyé pour la prise en charge des équipes a été détourné, clamait une des nos sources. Nous avons souffert à Kinshasa. Pendant deux jours, nous avons connu une éruption de diarrhée, toutes les deux équipes, des garçons et des filles. Nous étions bien logés, mais la nourriture était un sérieux problème pendant les onze jours à Kinshasa », regrette un des responsables des équipes du Haut-Katanga.
Dès le départ, certaines équipes ont dû être prises en charge par les gouvernements provinciaux. « C’est le gouvernorat provincial qui a supporté le coup des billets aller et retour des élèves des écoles Njanja et Bakanja, » nous a affirmé une source au Commissariat des Sports du Haut-Katanga, à Lubumbashi. Un premier groupe a pris un avion affrété d’Air Katanga, suivi d’une autre délégation par la CAA.
Quid du budget que la FIFA a alloué à l’ensemble de l’organisation ? Il n’a jamais été dévoilé. Si un montant d’un million de dollars a été évoqué pour la logistique, rien ne nous a permis de le confirmer. Nos tentatives pour avoir les précisions du ministère des Sports et de la FIFA ont été vaines. Une source proche du ministère des Sports a confirmé que les frais de participations n’étaient pas prévus, mais « les billets d’avion aller et retour devaient être pris en charge. »
« Une honte pour nous »
Face à la déferlante des critiques sur les réseaux sociaux, la direction technique nationale s’est trouvée dos au mur. Médard Lusadisu a « avoué », cité par Léopardsactu, que « ça a été boutiqué bien avant parce que les gens avaient anticipé tout ce que nous avons relevé pour contourner la vérité, voilà la raison pour laquelle nous allons nous retrouver dans la situation présente qui est une honte pour nous. » Ces aveux ont définitivement enterré les timides tentatives de la presse congolaise qui tentait de sauver les meubles.
La FIFA a salué l’organisation de la compétition, sans faire allusion aux critiques sur les réseaux sociaux et à la question de la fraude sur l’âge de certains joueurs congolais. « Ce sont des erreurs à arranger pour les futures éditions », estime le responsable de la LINAFJ. Médard Lusadisu lui veut « continuer de sensibiliser les responsables des académies, les éducateurs des enfants ainsi que les structures de jeunes. Nous devons taper fort pour déjà relever ce fait et ensuite suivre l’application des règles requises dans les compétitions de jeunes. » Pourvu que ça marche.
Iragi Elisha avec JMM et Merveille Kiro